Dans la bibliothèque idéale de Valérie Zenatti
Hans Christian Andersen / Contes
Œuvres complètes
La Pléïade
Emily Dickinson / Poésies complètes
Trad. Françoise Delphy
Edition bilingue
Flammarion 2009
Emily Dickinson fait aussi partie pour moi des poètes dont le nom brillait sans que je m’en approche. Et puis j’ai avancé à petit pas vers elle, et j’ai senti les mots de cette femme mystérieuse qui a choisi de vivre recluse remuer aussi bien la vase que l’eau claire, pour en faire surgir une sensibilité inouïe, une vision du monde précise et limpide, je voudrais m’offrir cette édition bilingue car malgré mon anglais défaillant, je sens que je pourrais entendre sa voix originale, accompagnée par la traduction. Extraits trouvés sur Internet en attendant que je me fasse ce cadeau :
Lawrence Durrell /
Affaires urgentes : scènes de la vie diplomatique
Trad. Jean Rosenthal
Robert Laffont 2008
Ce sont les chroniques hilarantes de Lawrence Durrell du temps où il était diplomate en Yougoslavie dans les années 50. Je me souviens les avoir lues en éclatant littéralement de rire. Imaginez la rencontre entre le flegme anglais et des autorités serbes dignes d’un film de Kusturica. L’ironie le dispute à l’absurde qui le dispute à l’intelligence. Le tout dans une ambiance digne d’un film de Lubitsch. Jouissif, comme on dit !
Natalia Ginzburg/ Les petites vertus
Trad. Adriana R. Salem
Ypsilon 2018
J’ai découvert Natalia Ginzburg en lisant Les mots de la tribu, que je recommande vivement aussi, c’est une autobiographie familiale très singulière, violente et réjouissante à la fois, qui passe par la mise en scène du langage propre à chacun, des phrases bien particulières que les parents répètent inlassablement. Les petites vertus, quant à lui, est un recueil d’articles, de réflexions, de souvenirs de fuite et de guerre, de portraits (son ami Cesare Pavese). Toute l’intelligence humble et fine de Natalia Ginzburg est là, comme si elle réussissait à capter quelque chose d’essentiel de nos vies, tout en sachant que la compréhension de la réalité du monde nous échappe.
Je viens d’une famille modeste où l’on portait un grand respect aux livres, où l’on considérait que « les livres sans images » stimulaient l’imagination, mais pas les livres illustrés et encore moins les BD. Je n’avais donc pas le droit d’en lire, jusqu’au jour où j’ai été immobilisée pendant plusieurs semaines suite à une chute, j’avais onze ans, je ne pouvais quitter mon lit et j’ai eu droit de lire pour la première fois des « Astérix », que m’apportait une amie du collège. Dans celui-ci, qui est le premier que j’ai lu, j’ai été conquise par la vivacité des situation, par le caractère délicieusement insupportable de Pépé, le fils de Soupalognon y Crouton alors que j’étais une enfant très sage qui ne s’autorisait pas de transgressions. Bien sûr, je tricherai là aussi en emportant les « œuvres complètes » tant j’ai l’impression de renouer avec de vieux copains très drôles lorsque j’y replonge.
Ce livre m’a été prêté par un ami violoniste, et il a révolutionné le rapport que j’ai à cet instrument qui occupe une très grande place dans ma vie. Il a été écrit par une professeure de violon qui a mis toute son énergie à casser les principes trop rigides de l’enseignement de cet instrument à l’époque, leur préférant la réflexion, l’ouverture, la rigueur et la liberté. Ce livre met en contact l’instrument, le corps, l’esprit, le souffle, l’émotion, l’intuition.
(Et bien sûr, j’emporterai également mon violon !)
Ce livre de philosophie s’attache à examiner les deux sens du verbe « revivre » : celui de la répétition et celui de la renaissance ou, en d’autres termes, celui de l’enfermement dans le passé et celui de la vibration du présent - des blessures et des ressources donc. C’est un livre merveilleux qui dialogue avec la philosophie bien sûr, mais aussi avec la poésie, le roman, la psychanalyse, la chanson, le cinéma, dans de courts chapitres éclairants et généreux, où les références ne sont évoquées ni pour exclure ni pour intimider mais au contraire pour ouvrir aux textes, à la lumière d’une pensée singulière qui se transmet au lecteur comme une énergie créatrice.
Œuvres complètes
La Pléïade
Le classement alphabétique fait surgir un auteur qui m’accompagne depuis que je sais lire. Ses contes m’ont parlé dans mon enfance plus intimement que les contes des frères Grimm ou Perrault, le mélange de merveilleux, de sensibilité blessée, d’éblouissement face à la nature et de joie qu’ils contiennent me semble correspondre à mon regard d’enfant, ou l’ont accompagné sûrement. Dans les œuvres complètes on découvre également ses romans, pièces de théâtre ou récits de voyage en Europe. Il a rencontré Hugo, Dickens, les frères Grimm, le compositeur Mendelssohn. Lors d’un voyage en Italie, il prend pour la première fois le train, la description qu’il en fait est extraordinaire.
Aharon Appelfeld / La Chambre de Mariana
Trad. Valérie Zenatti
Editions de l’Olivier 2008
Je pense énormément à ce livre en ces temps de confinement. C’est l’histoire d’Hugo, 12 ans, que sa mère fait sortir du ghetto pendant la guerre pour le cacher dans un bordel, chez la prostituée Mariana. Il reste enfermé dans un réduit attenant à sa chambre pendant un an et demi, observant le monde extérieur par les planches disjointes du réduit, guettant les bruits qui lui parviennent, découvrant à travers eux à la fois le sexe et la mort. La relation qui se noue entre l’enfant et la jeune femme de 24 ans est bouleversante. Hugo est pris entre l’attachement qu’il éprouve pour elle et la culpabilité à l’égard de sa mère dont il attend le retour. Je pense aussi à Floraison sauvage, l’histoire d’un frère et d’une sœur vivant seuls au sommet d’une montagne à la fin du 19ème siècle. Et à vrai dire, je triche déjà car j’emporterais toute l’œuvre d’Aharon Appelfeld sur une île déserte, les livres traduits et la trentaine qu’il me reste à traduire tant sa voix, son regard et son écriture me sont chères, je ne me sentirais pas seule.
Anna Akhmatova / Requiem. Poème sans héros et autres poèmes
Trad. Jean-Louis Backès
Poésie/Gallimard
J’ai lu d’abord un livre de Nadedja Mandelstam consacré à Anna Akhmatova, poétesse russe dont je connaissais le nom sans l’avoir encore lue mais avec laquelle je savais que j’avais rendez-vous. (Je pourrai parler un jour de tous ces auteurs que je n’ai pas encore lus et dont je sais qu’ils m’attendent, ou plutôt, que j’attends de rencontrer.) Le livre de Nadedja Mandelstam raconte une amitié à trois dans la Russie soviétique, la force de ces liens et de la poésie comme bien commun, menacé et indestructible. Depuis, j’ai acheté ce recueil que j’ouvre au hasard, et chaque fois « quelque chose » résonne. Je viens d’en faire l’expérience en écrivant ces lignes, voyez le poème que le hasard m’a offert :
Dédicace
À l’heure où s’écroulent les mondes,
Recevez ce don de printemps
Qui vient de l’ombre au-delà du Léthé,
En réponse à de plus beaux dons,
Pour que, toujours indestructible,
Fidèle malgré les saisons,
La haute liberté de l’âme,
Qui porte le nom d’amitié,
Me sourie aussi gentiment
Qu’il y a trente ans...
Hannah Arendt/ Gershom Sholem
Correspondance
Trad. Olivier Manoni
Le Seuil 2012
J’ai dévoré cette correspondance entre deux grands esprits du XXème siècle. Là aussi il est question d’amitié, même si celle-ci finira mal. Ce qui m’a frappée dans ces lettres, c’est la puissance des échanges entre ces deux êtres nés dans le même pays, l’Allemagne, puis exilés, l’une aux Etats-Unis, l’autre en Israël. Ils parlent avec inquiétude de leur amis commun, Walter Benjamin, ils se démènent pour faire exister son œuvre après sa mort, ils se démènent aussi pendant des années après la guerre pour sauver des bibliothèques entières pillées par les Nazis, à défaut d’avoir pu sauver des vies, ils s’envoient leurs livres, en discutent avec admiration et franchise (même si j’ai relevé qu’Hannah Arendt exprime son admiration plus facilement que Gershom Sholem, qui reste un peu campé sur la position « oui, oui, je sais, je suis un grand esprit », mais c’est assez drôle). Ce livre m’a tant passionnée que j’ai lu intégralement les nombreuses notes, très éclairantes.
Emily Dickinson / Poésies complètes
Trad. Françoise Delphy
Edition bilingue
Flammarion 2009
Emily Dickinson fait aussi partie pour moi des poètes dont le nom brillait sans que je m’en approche. Et puis j’ai avancé à petit pas vers elle, et j’ai senti les mots de cette femme mystérieuse qui a choisi de vivre recluse remuer aussi bien la vase que l’eau claire, pour en faire surgir une sensibilité inouïe, une vision du monde précise et limpide, je voudrais m’offrir cette édition bilingue car malgré mon anglais défaillant, je sens que je pourrais entendre sa voix originale, accompagnée par la traduction. Extraits trouvés sur Internet en attendant que je me fasse ce cadeau :
Pour faire une prairie il faut un trèfle et une seule abeille,
Un seul trèfle, et une abeille
Et la rêverie.
La rêverie seule fera l'affaire,
Si on manque d'abeilles.
Et aussi :
Que vers un coeur brisé
Nul autre ne se dirige
Sans le haut privilège
D'avoir lui-même aussi souffert
Lawrence Durrell /
Affaires urgentes : scènes de la vie diplomatique
Trad. Jean Rosenthal
Robert Laffont 2008
Ce sont les chroniques hilarantes de Lawrence Durrell du temps où il était diplomate en Yougoslavie dans les années 50. Je me souviens les avoir lues en éclatant littéralement de rire. Imaginez la rencontre entre le flegme anglais et des autorités serbes dignes d’un film de Kusturica. L’ironie le dispute à l’absurde qui le dispute à l’intelligence. Le tout dans une ambiance digne d’un film de Lubitsch. Jouissif, comme on dit !
Natalia Ginzburg/ Les petites vertus
Trad. Adriana R. Salem
Ypsilon 2018
J’ai découvert Natalia Ginzburg en lisant Les mots de la tribu, que je recommande vivement aussi, c’est une autobiographie familiale très singulière, violente et réjouissante à la fois, qui passe par la mise en scène du langage propre à chacun, des phrases bien particulières que les parents répètent inlassablement. Les petites vertus, quant à lui, est un recueil d’articles, de réflexions, de souvenirs de fuite et de guerre, de portraits (son ami Cesare Pavese). Toute l’intelligence humble et fine de Natalia Ginzburg est là, comme si elle réussissait à capter quelque chose d’essentiel de nos vies, tout en sachant que la compréhension de la réalité du monde nous échappe.
Je viens d’une famille modeste où l’on portait un grand respect aux livres, où l’on considérait que « les livres sans images » stimulaient l’imagination, mais pas les livres illustrés et encore moins les BD. Je n’avais donc pas le droit d’en lire, jusqu’au jour où j’ai été immobilisée pendant plusieurs semaines suite à une chute, j’avais onze ans, je ne pouvais quitter mon lit et j’ai eu droit de lire pour la première fois des « Astérix », que m’apportait une amie du collège. Dans celui-ci, qui est le premier que j’ai lu, j’ai été conquise par la vivacité des situation, par le caractère délicieusement insupportable de Pépé, le fils de Soupalognon y Crouton alors que j’étais une enfant très sage qui ne s’autorisait pas de transgressions. Bien sûr, je tricherai là aussi en emportant les « œuvres complètes » tant j’ai l’impression de renouer avec de vieux copains très drôles lorsque j’y replonge.
Dominique Hoppenot/ Le violon intérieur
Editions Van de Velde 1981Ce livre m’a été prêté par un ami violoniste, et il a révolutionné le rapport que j’ai à cet instrument qui occupe une très grande place dans ma vie. Il a été écrit par une professeure de violon qui a mis toute son énergie à casser les principes trop rigides de l’enseignement de cet instrument à l’époque, leur préférant la réflexion, l’ouverture, la rigueur et la liberté. Ce livre met en contact l’instrument, le corps, l’esprit, le souffle, l’émotion, l’intuition.
(Et bien sûr, j’emporterai également mon violon !)
Gustav Janouch/ Conversations avec Kafka
Trad. Bernard Lortholary
Maurice Nadeau 1978
Ce livre retranscrit les conversations entre un jeune garçon, Gustav Janouch, et un collègue de travail de son père, Franz Kafka. L’authenticité des conversations est controversée, notamment par Marthe Robert qui soupçonne Max Brod de les avoir écrites ou réécrites en partie, mais j’ai envie de dire : qu’importe. On a le sentiment de se promener dans Prague avec Kafka. Un Kafka doux, bienveillant, inquiet, lucide, qui vous parle en posant la main sur votre épaule. Mais là aussi je tricherai un peu en emportant les œuvres complètes de Kafka dans la Pléïade, où l’on trouve notamment la correspondance avec Felice, moins connue que la correspondance avec Miléna, mais au moins aussi vibrante, si ce n’est plus.
Nathalie Kuperman / Je suis le genre de fille
Flammarion 2018, Folio 2020
Nathalie Kuperman est une auteure française contemporaine, et aussi une amie que je lis avec bonheur depuis J’ai renvoyé Marta. Elle a une façon unique de traquer les failles des êtres et de les disséquer avec humour, désarroi, courage et rage. Son écriture me fait penser à quelqu’un qui se penche sur le vernis de nos vies, examine sa lumière et sa teinte, gratte à mains nues pour arriver au bois nu, se retrouve les mains pleines d’échardes, en rit et en pleure à la fois. Ce livre est une sorte de portrait chinois (si l’on ose dire !) dont chaque chapitre commence par les mots « Je suis le genre de fille », et peu à peu, sous une légèreté comique, apparaissent les profondeurs abyssales de l’amour maternel.
Marcel Proust/ A la recherche du temps perdu
Gallimard
Un monument qu’on ne présente pas bien sûr, mais j’avoue ici que je ne l’ai jamais lu entièrement, loin de là. Sur une île déserte je m’exclamerai « enfin, enfin ! »
Aki Shimazaki/ Le poids des secrets
Babel
Aki Shimazaki est une auteure japonaise qui vit au Canada et écrit en français, je me dis souvent qu’elle a forgé un «français japonais». J’ai découvert cette pentalogie grâce à un libraire, avant de partir au Japon pour la première fois. Cinq courts romans que l’on peut lire dans l’ordre ou pas, et qui tissent une histoire familiale où le poids des secrets liés à la guerre avec la Corée, à Hiroshima et à Nagasaki se révèle peu à peu, comme dans un puzzle mouvant, énigmatique, dramatique, avec le soulagement de lever les secrets.
Virginia Woolf/ Mrs Dalloway
Folio
J’ai une histoire particulière avec ce roman. J’entendais autour de moi que c’était un chef d’œuvre et je ne parvenais pas à y entrer, ou plutôt, les mots n’entraient pas en moi. J’ai fait cinq tentatives. La sixième fut la bonne, c’était juste après avoir lu La cloche de détresse, de Sylvia Plath, et je me dis que ce livre a mystérieusement ouvert la voie à l’autre. Je crois beaucoup aux chemins de lecture, comme aux chemins de vie. C’est un tracé personnel, unique, où une découverte en entraine une autre, et personne ne peut passer par le même endroit exactement au même moment. C’est pour cela que je n’ai plus honte de ne pas avoir lu certains livres « que tout le monde a lus ». Pour revenir à Mrs Dalloway, j’ai encore en moi la lumière qui m’a inondée à sa lecture, j’étais éblouie par la façon dont le temps est étiré, condensé, dans cette unique journée de la vie d’une femme. Je l’ai lu lentement, en six semaines, je ne voulais pas que cette expérience s’achève.
Frédéric Worms/ Revivre : Eprouver nos blessures
et nos ressources
Flammarion 2012
Champs 2015
Ce livre de philosophie s’attache à examiner les deux sens du verbe « revivre » : celui de la répétition et celui de la renaissance ou, en d’autres termes, celui de l’enfermement dans le passé et celui de la vibration du présent - des blessures et des ressources donc. C’est un livre merveilleux qui dialogue avec la philosophie bien sûr, mais aussi avec la poésie, le roman, la psychanalyse, la chanson, le cinéma, dans de courts chapitres éclairants et généreux, où les références ne sont évoquées ni pour exclure ni pour intimider mais au contraire pour ouvrir aux textes, à la lumière d’une pensée singulière qui se transmet au lecteur comme une énergie créatrice.
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